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Lorenz, en faisant usage d’un simple ordinateur personnel, avait cons-
truit ce qu’il considérait comme un petit modèle didactique d’atmos-
phère. Il ne se préoccupait pas de comparer son modèle avec une situa-
tion réelle donnée, comme l’avaient fait des pionniers tels Richardson ou
von Neumann, mais il tentait une simulation innovante, en accumulant
et en traitant des données sur sa petite atmosphère imaginaire. Il utilisait
en particulier une reproduction graphique qui lui permettait d’imprimer
une figure capable d’illustrer l’évolution de son système.
Un jour, il voulut examiner l’une des séquences de données sur une
période de temps plus longue, et au lieu de repartir de zéro, il reprit ses
opérations à partir des données affichées par l’ordinateur au milieu de la
session du calcul précédent. Ces données ont servi de nouvelles conditions
initiales, et selon le déterminisme mathématique, les données produites
après la reprise du calcul par l’ordinateur devaient rester cohérentes avec
celles de la première exécution, au moins pour une séquence comparable.
Or, Lorenz remarqua que la prévision précédente et celle qu’il venait
d’obtenir s’éloignaient rapidement l’une de l’autre. S’agissait-il d’une défail-
lance de l’ordinateur ? Ou ces données étaient-elles contraires à la logique
applicable ? Il vérifia son dispositif, et tout y semblait normal. Mais la pos-
sibilité d’obtenir des prévisions météorologiques fiables, valables pour plu-
sieurs jours, disparaissait. Il en trouva la raison dans l’introduction de don-
nées arrondies, c’est-à-dire avec moins de chiffres décimaux que ceux que
le calculateur conservait en mémoire (0,432 au lieu de 0,432152). Entre ces
nombres, il existait une différence minuscule (de 0,000152) mais qui avait
suffi à provoquer une évolution du système complètement inattendue. Ce
qui révélait un phénomène de sensibilité aux conditions initiales ou, en
d’autres termes, d’instabilité due à de petites incidences.
Cette découverte allait impulser beaucoup de changements. Lors d'une
conférence sur le Programme mondial de recherche atmosphérique, tenue
en 1972, Lorenz s’interrogea de façon un peu provocante sur la possibilité
que le battement des ailes d’un papillon au Brésil puisse déclencher une
tornade au Texas. L’image allait faire le tour du monde, et Lorenz exposa
un certain nombre d’observations sur la structure de la situation météoro-
logique, en mesure d'y situer l’instabilité de l’atmosphère, en rappelant tou-
tefois que l’aspect essentiel de sa découverte consistait en une représenta-
tion de l’atmosphère au moyen d’un modèle mathématico-informatique,
où en l’état, la sensibilité aux conditions initiales apparaissait comme une
singularité accidentelle, mais qui reflétait une complexité préoccupante.
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