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Il était alors devenu évident que l’idée de dimension, même si elle avait
une base intuitive évidente, échappait à une définition rigoureuse. On dut
admettre des cas limites, où l’intuition pouvait aider, et qui illustraient cette
problématique. Le mathématicien italien Giuseppe Peano (1858-1932) avait
proposé pour sa part un exemple de courbe qui remplissait un carré.
On peut aussi citer l’ensemble de Cantor (utilisé par Mandelbrot pour
modéliser le problème de la perturbation des transmissions) et l’éponge
de Sierpinski. Tous ces modèles donnèrent lieu à de nombreuses re-
cherches sur le concept de dimension structurelle, et amenèrent diffé-
rentes définitions, qui incluaient la possibilité de valeurs fractales. Si l’on
utilise la définition la plus employée pour les ensembles fractals, que l’on
doit à Hausdorff et à Besicovich, la dimension de similarité de la courbe
de Koch est de 1,2618, tandis que, par exemple, celle de l’ensemble de
Cantor est de 0,6309 (soit la moitié).
Mandelbrot obtint par la suite un grand nombre d’autres figures de ce
genre, qu’il appela fractales (du latin fractus, c’est-à-dire brisé, qui évoque à
la fois l’idée de fraction et celle de fracture, de fragmentation ou de découpe,
caractéristiques de ces formes). En 1977, Mandelbrot publia un livre intitulé
Les objets fractals : forme, hasard et dimension, dans lequel il présentait la géo-
métrie fractale comme un nouveau modèle de représentation de la nature,
capable de mesurer d’autres qualités des figures, comme la rugosité, la dé-
coupe, l’irrégularité, et les modalités selon lesquelles un objet remplissait
l’espace. Mandelbrot recourait à des exemples tirés de domaines très diffé-
rents et il faisait un large usage des possibilités graphiques de l’ordinateur.
Mais il reconnaissait que le comportement fractal d’un élément extrapolé
du monde réel, comme la ligne côtière de la Bretagne, n'était pas aussi
simple et modélisable que celui des figures mentionnées ci-dessus.
Mandelbrot mena des recherches sur diverses fractales dans lesquelles
le mode de reproduction changeait en permanence, et il montra la pré-
sence d’irrégularités de type fractal dans des systèmes dynamiques com-
plexes (c’est-à-dire dans les modèles mathématiques d’évolution tempo-
relle dans lesquels étaient impliqués des nombres complexes). Il reprenait
là certaines idées des mathématiciens français Gaston Julia et Pierre Fatou,
lesquels, toujours au début du 20 ème siècle, avaient exploré ces thèmes,
même si leurs recherches avaient été entravées -comme dans le cas de
Poincaré- par la difficulté de représenter les objets mathématiques décrits.
Dans ce domaine, des ordinateurs, de plus en plus performants, allaient
heureusement permettre d’améliorer les calculs et les représentations.
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