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L’une des premières figures obtenues par Mandelbrot avec assistance
               informatique -appelée ensemble de Mandelbrot- illustrait effectivement
               le comportement autoreproducteur des fractales, lié au comportement
               des systèmes dynamiques. Et dans de nombreux exemples de dynamique
               chaotique,  une  analyse  qualitative  pouvait  mettre  en  évidence  aussi
               l’émergence de structures géométriques de type fractal. Le livre de Man-
               delbrot, republié sous le titre La géométrie fractale de la nature, est devenu
               célèbre, et ses idées ont été adoptées jusque dans des études de physio-
               logie et d’astronomie, et dans des recherches industrielles sur la structure
               des  matériaux  et  sur  les  contacts  entre  surfaces.  Les  possibilités  gra-
               phiques spectaculaires des fractales, utilisées pour la création d’effets spé-
               ciaux cinématographiques à l’aide d’ordinateurs, ont eu aussi un impact
               remarquable. Toutefois, tous les chercheurs ne se sont pas enthousias-
               més pour ses idées, et Mandelbrot a été une figure controversée. De fu-
               tures recherches devraient pouvoir confirmer ou non la pertinence de la
               géométrie fractale, et mieux en départager les avis.
                 Pour leur part, les conclusions de Lorenz, et celles d’autres chercheurs
               s’occupant de la dynamique non linéaire (en astronomie, en électricité),
               n’avaient eu d’abord qu’un faible écho, notamment parce que la science de
               la seconde moitié du 20  siècle avait atteint un tel degré de spécialisation,
                                  ème
               et produit une telle masse de résultats dans chaque domaine spécifique,
               que l’émergence de certains faits nouveaux n’y était plus toujours aisée.
                 En 1974, Li et York renforcèrent cependant le terme et le concept d’un
               chaos présenté comme un néologisme suggestif et global, qui évoquait no-
               tamment des champs d’investigation mixtes philosophiques et scientifiques,
               tels que l’ordre, la causalité, les prédictions, le déterminisme, et le hasard.

                 Dans les années 1980, ces nouveaux champs d’investigation ont pris
               une place croissante sur la scène mathématique, et plus largement, scienti-
               fique. Ils ont poussé à introduire de nombreuses hypothèses et descrip-
               tions,  incluant  jusqu’à  une  certaine  réorientation  philosophique  de  la
               science. Le monde intellectuel et médiatique s’est d’autant plus intéressé à
               ces extensions conceptuelles, qui ont été portées par ailleurs à la curiosité
               du grand public, à travers des journaux et des livres de vulgarisation.
                 En 1987, le journaliste américain James Gleick publia notamment un
               livre intitulé La Théorie du Chaos, appuyé sur plusieurs interviews de sa-
               vants opérant dans ces domaines de recherche, parmi lesquels Smale, Lo-
               renz et Mandelbrot, et dans lequel il écrivait que là où commençait le
               chaos, s’arrêtait la science classique. Bien qu'excessif, c'était suggestif.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      447
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