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Un plutoniste éminent, Jean-Étienne Guettard (1715-1786) présenta
en 1752 à l’Académie royale des sciences de Paris un mémoire sur
quelques montagnes de France qui avaient été volcans, en soutenant l’ori-
gine volcanique des roches basaltiques. Bien qu’ignoré pendant des dé-
cennies, Guettard doit être considéré comme le fondateur de la géologie
stratigraphique moderne. Il a été aussi parmi les premiers à dessiner des
cartes géologiques, tout en menant des recherches de minéralogie et de
géographie physique, et en étant l’initiateur de la paléontologie en France.
Au 18 siècle, d'autres recherches qui contredisaient le mythe du Dé-
ème
luge, maintenu par la prégnance de la religiosité chrétienne, ont connu une
nouvelle vigueur. On avait découvert dans des bibliothèques assyro-baby-
loniennes des récits mentionnant des déluges immémoriaux, desquels le
déluge biblique de Noé pouvait s'inspirer, puisqu'un très ancien habitant
mythique de la Mésopotamie, Hasisi-Hadra, aurait construit un navire pour
s'y réfugier durant les sept jours et les sept nuits du déluge de son époque.
Certains géologues ont profité du débat pour introduire l’idée que le
déluge en question résulterait plutôt d’un violent séisme qui aurait permis
alors à la mer d’envahir les terres de la basse Mésopotamie et d’y détruire
villes, champs et cultures. Mais aux 17 ème et 18 ème siècles, les modèles
abrahamiques de la genèse de la Terre, inspirés ou non d’événements
catastrophiques mythiques analogues, étaient encore dominants, et ils im-
posaient une argumentation sur la base de ce que l’on considérait comme
l’âge officiel de la Terre (quelques milliers d’années seulement selon la
Bible). Un recalcul très antérieur de l’âge de la Terre contredisait donc les
mythes abrahamiques de la genèse planétaire, concernant notamment les
phénomènes de formation des montagnes et des mers.
Tant que le catastrophisme religieux mythique prévalait, la durée et les
causes des phénomènes telluriques nouvellement découverts ne pouvaient
donc pas encore sans risques être mis en contradiction avec les dogmes
dominants. La plupart des savants, craignant la réaction religieuse publique
de leur époque, ne voulaient pas attribuer plus de 9.000 ans à la Terre.
Mais tout ceci commença à changer avec les premières tentatives de
Georges Leclerc de Buffon (1707-1788), qui osa une estimation de 100.000
ans. Plus tard, Lord Kelvin (1824-1907) renchérira en proposant que la
Terre puisse avoir entre 100 et 200 millions d’années. Mais ce n’est qu’au
tout début du 20 siècle, grâce aux techniques radio-isotopiques, qu’on a
ème
enfin obtenu des éléments assez probants pour dater de manière plus réa-
liste l’âge de la Terre, à plus de 5 milliards d'années.
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