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Jusqu’alors, le catastrophisme et la superstition avaient borné l’imagi-
               nation officielle. Dans son Telluris theoria sacra, publié en 1681 en latin puis
               en anglais et qui connut une grande popularité, le théologiste anglican Tho-
               mas Burnet avait proposé un modèle d’histoire de la Terre où tout était
               expliqué par l’eau et le feu, et où l’on trouvait même des prévisions sur un
               futur nouveau déluge. Pour sa part, dans New Theory of the Earth, William
               Whiston (1667-1752) supposait que la rotation de la Terre aurait com-
               mencé à la suite d’une collision avec la queue d’une comète.

                 En 1812, dans le même esprit, avaient été publiées les Recherches sur les
               ossements fossiles des quadrupèdes, du Français Georges Cuvier (1769-1832),
               une figure célèbre parmi les catastrophistes, éminent paléontologue, et ex-
               pert d’anatomie comparée. Au premier volume de son Discours préliminaire,
               Cuvier soutenait que des incursions et des retraits répétés de la mer, vio-
               lents et soudains, avaient caractérisé l’évolution de la vie sur Terre. Des
               groupes entiers d’animaux auraient ainsi été tués en masse par la succession
               de ces catastrophes, et les mammouths congelés, parfaitement conservés
               (pourvus de viande, de poil et de défenses), trouvés dans les glaces de Si-
               bérie, témoignaient de la soudaineté de ces événements.
                 Les espèces naturelles étaient considérées comme fixes et immuables
               dans l’œuvre de Cuvier, qui s’opposait à toute relation entre fossiles, ani-
               maux actuels, et changements adaptatifs dans la nature. Pour lui, les strates
               inclinées et le soulèvement des montagnes étaient dus à des événements
               catastrophiques.  Les  inondations  successives  étaient  une  autre  preuve,
               conforme au Déluge biblique, du caractère cyclique et de l’existence de ces
               catastrophes. En d’autres termes, il cherchait lui aussi à démontrer que les
               données géologiques s’accordaient avec le mythe religieux du Déluge.
                 Mais quand il devint trop évident que la Terre devait avoir -au moins-
               plusieurs centaines de millions d’années, les théories catastrophiques fu-
               rent progressivement suspectées, puis délaissées. Et dans ce contexte de
               dépassement du paradigme catastrophiste, a pu prospérer un courant de
               pensée opposé, appelé actualisme. Au-delà de l’âge effectif de la Terre, les
               tenants de ce modèle étaient convaincus que les changements géologiques
               étaient guidés par un lent gradualisme.

                 Robert Hooke (1635-1702), expérimentateur de la Royal Society, es-
               timait que les processus actifs à la surface de la Terre étaient le fruit de
               changements successifs qui avaient toujours été en cours et qui avaient
               placé les mers à la place des montagnes et inversement.




               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      41
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