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Quand Richard de Bury (1287-1345) utilisait le mot géologie dans son
          Philobiblion, il ne lui attribuait qu’un sens profane de simple science ter-
          restre, en opposition notamment à la théologie, science divine. En cela, la
          géologie a eu une évolution différente de celle d’autres branches du savoir
          scientifique comme les mathématiques, science ancienne caractérisée par
          une application et un objet d’étude ouverts à l'abstraction, ou comme l’as-
          tronomie, caractérisée dès le début par une tendance à la spéculation con-
          ceptuelle, ou même comme la médecine, qui existait en raison d’un do-
          maine d’intervention sensible universel, la souffrance et la maladie.
             Dans le monde antique, une proto-géologie avait effectivement fait
          ses premiers pas en raison d’exigences pratiques, et assez peu en raison
          de préoccupations théoriques et savantes. Ses branches les plus utilitaires
          se sont développées d’abord, puisque l’hydrologie découlait de la néces-
          sité de prévenir les crues et d’en atténuer les dommages, la minéralogie
          servait à reconnaître les sites adaptés aux exploitations minières, et la pé-
          trographie  se  développait  parce  que  les  constructions  en  pierre  de
          grandes dimensions incitaient à chercher les matériaux les mieux adaptés.
             Certains  travaux  présentaient  néanmoins  parfois un  intérêt  et  une
          portée à caractère plus scientifique. En se basant sur la présence de fos-
          siles  dans  les  roches  sédimentaires,  les  savants  grecs  anciens  Anaxi-
          mandre (610-546 avJC), Xénophon (430-355 avJC), Xénocrate (396-314
          avJC) et d’autres, avaient formulé l’hypothèse selon laquelle il y aurait eu
          dans le passé des transgressions et des régressions marines.
             Hérodote (484-430 avJC), après un long voyage en Égypte, avait con-
          clu avec juste raison en 450 avJC que le delta du Nil, et l’Égypte elle-
          même, s'étaient formés sur une très longue durée, parce que chaque crue
          y abandonnait une fine couche de sédiments. C’est également Hérodote
          qui avait proposé le mot delta, en remarquant que la zone où le fleuve
          débouchait dans la mer semblait triangulaire, comme la lettre grecque
          majuscule du même phonème.
             Plus  scientifiquement,  Aristote  (384-322  avJC),  Théophraste  (372-
          287 avJC) et Aristarque de Samos (310-230 avJC) avaient évoqué la sphé-
          ricité de la Terre, tandis que Dicéarque (4 ème - 3 ème  siècle avJC), Ératos-
          thène (276-194 avJC), et Eudoxe de Cnide (400-347 avJC) en avaient es-
          timé les dimensions, et que Parménide (5 ème  siècle avJC) y avait tracé des
          zones climatiques. Pythéas (4 ème  siècle avJC) avait relié les marées aux
          positions de la Lune, et Straton de Lampsaque (328-270 avJC) avait for-
          mulé des hypothèses logiques sur la dynamique des systèmes fluviaux.


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