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Dans le problème de la chute des corps, l’objectif de Galilée était de
               dégager les lois du mouvement en l’absence de facteurs perturbants, et il
               voulut donc organiser des conditions de chute  différentes de celles qui
               étaient considérées par les aristotéliciens. Pour faciliter sa première véri-
               table expérience moderne, Galilée utilisa un plan incliné. Il était convaincu
               qu’on ne pouvait arracher à la nature ses secrets en se limitant à l’observer
               sans agir sur elle. Il fallait créer des conditions plus concrètes qui, en élimi-
               nant les facteurs qu'il jugeait perturbants, éclairaient l’observation.
                 En faisant rouler des billes sur un plan incliné -et c’était là une hypo-
               thèse plutôt audacieuse- Galilée n’altérait pas essentiellement la loi de la
               chute des corps, mais les billes gardaient des vitesses et des accélérations
               facilement mesurables. Par de telles expériences, il démontra alors que tous
               les corps tombaient avec la même accélération, indépendamment de leur
               nature et de leur poids, et que les espaces qu’ils parcouraient dans leur
               chute étaient proportionnels aux carrés des temps mis pour les parcourir.
                 Pour sa part, Francis Bacon apporta lui aussi une contribution nova-
               trice, autant par ses travaux scientifiques que parce que, surtout dans les
               pays anglo-saxons, il devint l’une des références majeures de la modernisa-
               tion de l’esprit cultivé. Dans ses œuvres, il théorisa avec clarté la transition
               de l’antique au moderne, avec son corollaire, l’idée de progrès. Bacon, qui
               était contre tout abus d’autorité, contestait le fait que le seul prestige d’un
               savant du passé puisse valider ses thèses. L’esprit humain, avec son intelli-
               gence déductive, alimentée par l’observation et l’expérience, devait se libé-
               rer du poids de la doxa et découvrir l’infinité des choses changeantes que
               le monde offrait en permanence, pour améliorer ses conditions de vie. Un
               objectif de la science, pour Bacon, était donc d’étendre plus largement les
               limites des moyens et de l’esprit humains. Ce qu’un éco-humaniste mo-
               derne (soit dit en passant) continue lui aussi à démontrer avec conviction.
                 En revenant à l’analyse de la chute des corps, Galilée devait admettre
               que la vitesse horizontale du corps au début de sa chute se conservait in-
               définiment, et qu’à cette vitesse se superposait la vitesse verticale due à la
               gravité.  Cela  revenait  déjà  d’une  certaine  façon  à  affirmer  un  principe
               d’inertie, mais Galilée ne sut pas donner opportunément à cette idée un
               développement plus complet. C’est donc Descartes qui reprit cela dans sa
               philosophie de la nature, sous la forme d’un principe universel de conser-
               vation de la quantité de mouvement. Pour lui, tout corps matériel conser-
               vait indéfiniment sa vitesse (ou, mieux, le produit de sa masse par sa vi-
               tesse, la quantité de mouvement), à moins qu’il ne rencontre un obstacle,
               c’est-à-dire un autre corps, sur sa trajectoire.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      373
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