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Ce n’est qu’après la reprise des échanges avec l’Orient et le contact avec
               la culture arabe, au début du deuxième millénaire, que d’anciens savoirs
               recommencèrent à circuler. Du 11  au 13  siècle, on assista à un essor
                                                   ème
                                           ème
               des traductions d’auteurs antiques, ce qui fut un support opportun de re-
               connexion culturelle, accélérant la fin de l’époque médiévale européenne.
                 Ce fut surtout l’œuvre  redécouverte d’Aristote qui réveilla l’intérêt
               pour les sciences naturelles. Mais cette redécouverte d’Aristote fut plus
               difficile  et  contradictoire  qu’on  ne  l’imagine  communément.  L’Église
               chrétienne occidentale ne voyait pas d’emblée avec sympathie un philo-
               sophe qui ne croyait pas à l’immortalité de l’âme, ni à la transmutabilité
               des substances, ni à la création biblique de l’Univers et de l’Homme. Des
               théologiens influents provoquèrent une violente campagne anti-aristoté-
               licienne, allant même jusqu’à faire interdire l’enseignement de ses idées
               dans les plus importantes universités européennes.
                 Mais cette attitude dogmatiquement hostile eut pour effet indirect de
               stimuler  les premières  critiques  scientifiques  de  la physique  aristotéli-
               cienne, qui devaient être par la suite utilisées pour parvenir à une correc-
               tion de cette physique. On peut rappeler à ce propos les discussions sur
               le mouvement des projectiles (c’est-à-dire les objets lancés selon un mou-
               vement violent, dans une direction autre que celle de leur mouvement
               naturel). Pour Aristote, comme nous l’avons vu ci-avant, la tendance à se
               mouvoir vers le haut ou vers le bas était une caractéristique essentielle des
               corps et ne nécessitait pas d’explication, la cause de ce mouvement étant
               intrinsèque au corps même. En revanche, le mouvement d’un caillou lancé
               vers le haut, tant qu’il était dirigé vers le haut, devait avoir une cause externe
               au caillou lui-même, cause qui, précisément, semblait associée au tourbillon
               de l’air aspiré par l’espace laissé vide par le mouvement du caillou.
                 À cette théorie, s’opposa d’abord au Moyen Âge ce que l’on appela la
               théorie de l’impetus. Selon Jean Buridan (1292-1363), connu par ailleurs
               pour son paradoxe de l’âne, mais qui était aussi l’un des principaux te-
               nants de cette théorie, l’impetus était une espèce de force incorporelle
               qui était imprimée au projectile au moment du lancement, et que le pro-
               jectile tendait à conserver durant son mouvement. Seule la résistance du
               milieu causait un ralentissement progressif du corps dans la direction du
               lancement. Inversement, dans la chute vers le bas, Buridan pensait que le
               mouvement naturel comportait une augmentation continue de l’impetus.
               De cette façon, on pouvait commencer à avoir une explication de la dé-
               viation des corps lancés, qui tout en ayant été connue d’Aristote, n’avait
               trouvé aucune explication rationnelle dans son œuvre.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      369
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