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Mais son activité de recherche sur les harmonies et sur les lois natu-
               relles, qui se traduisait presque toujours en dessins, croquis, et notes ré-
               digées au moyen de sa méthode ingénieuse d’écriture inversée, procédait
               d’une activité d’assimilation et de retranscription de ce qu’avaient décou-
               vert et traité avant lui des savants de l’Antiquité et du Moyen Âge.

                 Il entretenait une part d’ambivalence entre ces assimilations, mais il a
               quand même fait avancer des problèmes relatifs à la statique et à l’équilibre
               (qui trouvaient ensuite une application dans son activité de sculpteur) ; il a
               étudié la détermination du centre de gravité de solides plus ou moins régu-
               liers de façon originale ; et ses études d’hydraulique contenaient en germe
               des concepts capables de mieux représenter le mouvement des fluides.

                 Dans sa trousse conceptuelle, d’un côté des idées concernant la dyna-
               mique des corps se référaient en partie à la théorie de l’impetus, et d’un autre
               côté son travail pictural exploitait des techniques d’optique géométrique,
               pour lesquels il avait su apprécier des contributions de la science arabe. Il a
               assimilé et réélaboré finalement un savoir qui l’avait précédé, tout en dispo-
               sant d’une exceptionnelle faculté de pouvoir pressentir certains thèmes ma-
               jeurs de la science future. Et cette tendance a continué à prospérer après lui.
                 Effectivement, dans son sillage, la description mathématique et la mé-
               thode expérimentale ont constitué des introductions importantes à la ré-
               volution scientifique qui allait suivre. Un troisième apport s’y est ajouté :
               plusieurs savants du 17 ème  siècle, en effet, avaient commencé à soutenir
               et à diffuser une conception globaliste du monde matériel connu, qui
               pouvait être ramenée à l’affirmation que la nature était un gigantesque
               mécanisme, ou un ensemble de mécanismes, dans lesquels régnaient né-
               cessairement l’ordre et la régularité. Pour démontrer cela, et dans la des-
               cription des phénomènes naturels, il leur fallait analyser les changements
               qui pouvaient être ramenés à un mouvement local, c’est-à-dire au mou-
               vement dans l’espace et dans le temps, des corps matériels.
                 Une caractéristique importante de cette révolution scientifique poten-
               tielle était en outre un retour à l’atomisme antique, puisque la réalité pouvait
               de nouveau être conçue comme pouvant découler du mouvement et de
               l’interaction de corpuscules matériels, trop petits pour être vus à l’œil nu,
               mais qui se heurtaient et se poussaient les uns les autres. Quand cette con-
               ception s’affirma et se répandit, outrepassant l’opposition des milieux intel-
               lectuels qui se référaient encore à des référentiels non seulement religieux,
               mais aussi magiques, occultes, spiritualistes, voire animistes, la trajectoire de
               modernisation de la science physique en a été durablement réorientée.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      371
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