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En langage mathématique moderne, on dirait que 4/d est un nombre
irrationnel, comme pour rappeler le fait que pour les pythagoriciens, un
tel nombre n’avait pas de sens. Mais globalement la nature avait un sens.
Et selon ce sens, malgré le peu d'informations disponibles sur les débuts
des mathématiques en Grèce, il est établi qu’elles jouèrent un rôle moteur,
non seulement dans le développement de l’astronomie et de la physique,
mais également dans certains aspects philosophiques de la représentation
de la nature. La recherche de propriétés mathématiques, dans des formes
qui transcendaient les questions de la vie pratique, correspondait pour les
Grecs à la recherche de l’essence des choses, dans un grand tout holistique.
Même l’étude de la géométrie, motivée à la fois par la curiosité intellectuelle
et par l’utilité pratique, incitait à une recherche de précision maximale dans
laquelle les Hommes pouvaient exercer leurs capacités mentales, et même
vivre des expériences de nature esthétique. Les Grecs considéraient la géo-
métrie comme un cadre de raisonnement et une base du savoir.
Il y eut quelques mathématiciens sophistes (comme Hippias d’Élide),
mais la plupart étaient de vrais philosophes, qui étudièrent notamment dans
l’académie platonicienne, comme Thétète (415-369 avJC) et Eudoxe de
Cnide (400-350 avJC). Platon (427-347 avJC) attribuait lui aussi une grande
importance aux mathématiques dans l’enseignement et dans le développe-
ment du savoir, et comme facteur de compréhension des objets.
À l’entrée de son Académie, à Athènes, il était écrit nul n’entre ici s’il n’est
géomètre. Cette importance attribuée aux mathématiques par Platon était due
à l’influence de pythagoriciens, en particulier Archytas de Tarente. Avec
Platon, les objets mathématiques furent conçus comme des entités abs-
traites, séparées des objets du monde physique : une droite ou un cercle
dessinés sur le sol n’étaient que des reproductions imparfaites de la droite
ou de la circonférence géométriques, lesquelles appartenaient à un do-
maine à mi-chemin entre le monde des objets sensibles et celui des idées.
De manière complémentaire à ce point de vue, se développèrent des
concepts innovants de démonstration et de raisonnement déductif. La
géométrie devait être présentée en partant de prémisses simples et évi-
dentes, au moyen desquelles pouvaient être obtenus des résultats de plus
en plus complexes, par une déduction logique mais abstraite, sans recourir
forcément à des raisonnements fondés sur l’observation et l’expérience.
Ce type de présentation était caractéristique de nombreux traités grecs,
qui furent appelés de façon générique des Éléments de géométrie, et dont
les plus importants ont été les Éléments d’Euclide.
Marc CARL Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI 315