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En Orient, depuis le 7 ème  siècle, Constantinople avait résisté aux at-
               taques arabo-musulmanes, notamment grâce au feu grégeois, un produit
               chimique qui brûlait et incendiait les navires sans pouvoir être éteint par
               l’eau. En outre, avec un retard par rapport à la Chine, le salpêtre avait été
               découvert, et de là, la poudre à canon. Certains historiens considèrent que
               la chimie a joué un rôle décisif pendant ces siècles-là, la découverte du feu
               grégeois ayant retardé la fin de l’Empire byzantin, tandis que la découverte
               de la poudre noire accélérait la fin de la société féodale. À l’aube de la
               Renaissance, la chimie pouvait enfin muter en une véritable science.
                 Toutefois, l’impulsion la plus forte de cette mutation n’est pas venue,
               au 14 ème  et au 15 ème  siècles, du milieu alchimiste, qui s’était replié en partie
               sur lui-même. Elle est venue plutôt du développement d'études médicales
               et naturalistes, de plus en plus utilisatrices de la chimie appliquée et de
               son approche quantitative. Par exemple, Nicolas de Cues (1401-1464),
               vers la moitié du 15 ème  siècle, proposait de peser de la terre et des graines,
               puis les plantes qui en provenaient, et enfin les cendres obtenues par la
               combustion de ces plantes, non seulement pour démontrer que la terre
               se transformait en organisme vivant végétal, mais aussi pour mesurer et
               calculer quelle quantité de terre se transformait.
                 De leur côté, des médecins, à commencer par Jean de Roquetaillade,
               (1310-1370) étaient de plus en plus intéressés par l’utilisation de substances
               chimiques comme médicaments. Certains médecins étaient aussi discrète-
               ment alchimistes, dans la mesure où l’alchimie recherchait encore l’élixir de
               longue vie, en plus de la transmutation des métaux en or. Mais la principale
               motivation était que la iatrochimie, c’est-à-dire le nouvel art qui consistait à
               utiliser des substances chimiques comme médicaments, avait un potentiel
               d’application pratique plus intéressant que ses à-côtés mystiques. Et les in-
               formations circulaient mieux dans les sociétés, surtout dès le 15  siècle, qui
                                                                  ème
               marqua un tournant techno-culturel décisif en Europe, grâce à l’invention de
               l’imprimerie, impulsant une diffusion rapide et massive du savoir écrit.

                 Ailleurs, pendant que la découverte de l’Amérique ouvrait de nouvelles
               possibilités d’échanges outremer, la chute de Constantinople en 1453 pro-
               voqua la fuite vers l’Occident d’érudits byzantins porteurs de précieux sa-
               voirs grecs. La culture scientifique occidentale en tira rapidement bénéfice.
               Dès le début du 16  siècle, André Vésale (1514-1564) refondait profon-
                               ème
               dément l’anatomie, et Nicolas Copernic (1473-1543) refondait l’astrono-
               mie. Comparativement, les progrès de la chimie étaient plus lents, et moins
               visibles, mais pour la première fois, elle tentait de décrire de façon plus
               claire et plus complète l’ensemble de ses méthodes et recettes.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      261
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