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C'était utile, car l’alchimie occidentale avait souffert de l’écroulement
          de l’Empire romain d’Occident, et même l’art chimique appliqué y était
          resté, peu ou prou, longtemps marginalisé. Dans ce qu’on appellera les
          siècles obscurs du Haut Moyen Âge, ce n’était pas seulement la demande
          de culture qui avait diminué, c’est aussi la demande de biens matériels,
          les besoins de la société féodale étant restreints. Après l’an mil, toutefois,
          s’amorça une lente reprise, autant sur le plan culturel que pour l’expéri-
          mentation savante. Le savoir reconquit une certaine dignité, et dès 1144,
          année où apparut en Europe la traduction latine du Morienus effectuée
          par Robert Chester, on commença à traduire depuis l’arabe des textes
          variés, allant de certains classiques grecs aux travaux d’Avicenne.
             D'autres textes, qui permettaient une relance de l’alchimie, étaient tra-
          duits aussi, en incluant leurs formes réactualisées par les Arabes. Les Eu-
          ropéens reprirent ainsi contact avec des versions de l’alchimie mêlant plus
          harmonieusement mysticisme, rationalisme, et apports d’Extrême-Orient.
          On  recommença  pourtant  à  chercher  la  pierre  philosophale,  supposée
          pouvoir réaliser la transmutation des métaux vils en or, et qui serait à la
          fois la panacée de tous les maux et un élixir de longue vie. Ce qui entraina
          en parallèle la réapparition d’alchimistes escrocs, qui cherchaient, comme
          un millénaire auparavant à Alexandrie, à écouler pour de l’or de superbes
          imitations ; au point que, par sa bulle Spondet Pariter, le pape Jean XXII
          finit par bannir l’alchimie et excommunia les alchimistes, auxquels Dante,
          pour l’occasion, consacra une fosse entière dans son Enfer.
             Mais grâce notamment à une pratique rationaliste qui s’inspirait d’alchi-
          mistes arabes non mystiques, un scepticisme méthodique et une approche
          proto-scientifique étaient restés malgré tout actifs en Europe. C'était le cas
          pour le moine anglais Roger Bacon (1214 - 1293) qui prônait la nécessité de
          l’expérimentation et de la méthode mathématique dans l’étude des phéno-
          mènes naturels. Et ce scepticisme méthodique eut l’opportunité de s’expri-
          mer dans les nouveaux centres du savoir de l’époque, les universités.
             D'autre part, des formes parallèles d’art chimique pratique s’étaient elles
          aussi maintenues en activité. En Italie, la production des verres s'était per-
          fectionnée. Et la célèbre école médicale de Salerne, en 1100, raffina l’art de
          la distillation jusqu’à découvrir un nouvel esprit que Paracelse, au 16 ème
          siècle, appellera plus tard l’alcool. Entre-temps, on découvrit des acides
          minéraux  forts  :  l’acide  sulfurique,  l’acide  nitrique  et,  plus  tard,  l’acide
          chlorhydrique. Cela permit aux nouveaux praticiens chimistes de mieux
          dissoudre des substances, et d’obtenir d’inédites réactions en solution.



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