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C’est  ainsi  que  naquit  ce  que  les  Arabes,  plus  tard,  appelleront  al
               khemeia, ou alchimia en langage occidental. Effectivement, les premiers
               alchimistes étaient des chercheurs pratiques, des artisans qui connaissaient
               aussi la philosophie et la physique d’Aristote, qu’ils essayaient d'appliquer
               à la manipulation concrète de la matière, en particulier pour les métaux.
               Mais le comportement des substances qu’ils manipulaient ne pouvant être
               expliqué par la simple lecture des textes d’Aristote, ces artisans cherchaient
               aussi à modifier cette théorie, et à défaut, à porter leur attention sur les
               parties qui s’accordaient le mieux avec leurs observations. D’un point de
               vue pratique, les efforts de ces premiers alchimistes d’Alexandrie visaient
               ainsi à mettre au point des alliages et des composés bon marché, de nature
               à remplacer même les métaux précieux, y compris et surtout l’or, avec aussi
               quelques pierres précieuses. Les techniques de plus en plus raffinées qu’ils
               utilisaient justifiaient le succès de la plupart de leurs productions.

                 Ayant des connaissances en philosophie, ils savaient que, notamment
               dans la pensée d’Aristote, tout devait tendre vers la perfection. Ils en re-
               tenaient plus particulièrement que l’or étant un métal réputé parfait, les
               autres métaux pourraient tendre vers la perfection aurifère. Par consé-
               quent, concluaient les alchimistes alexandrins, ces alliages que nous pré-
               parons, si semblables à l’or qu’ils peuvent tromper les joailliers les plus
               experts, sont des étapes avancées vers la transmutation des métaux les
               plus vils dans le métal parfait. La nature, supposaient-ils, devait proba-
               blement opérer  une  transmutation  semblable  dans  les entrailles  de la
               terre. Bref, les artisans chimistes d’Alexandrie, devenus alchimistes, en
               étaient venus à penser que, en raffinant plus encore leur technique, ils
               arriveraient tôt ou tard à transformer des métaux communs en or pur.
                 L’alchimie  naquit  ainsi  de  pré-supposés  faux,  mais  argumentables  à
               l’époque, et même si elle était parfois accompagnée de pratiques magiques
               et astrologiques, cela ne l’empêchait pas de rester un art pragmatique et ar-
               tisanal, qui s’intéressait certes aux métaux et à la chimie pure, mais aussi à
               des problèmes de teinturerie, de produits de beauté (huiles, essences), etc.
                 Renforçant la théorie, l’instrumentation joua un rôle important dans le
               développement de l’alchimie. Pendant la période hellénique, furent fabri-
               quées des quantités importantes d’alambics, de bechers, de filtres, de bains
               chauffants (y compris le bain-marie), et de fours. Des alchimistes mirent
               au point de nombreux réactifs nouveaux, auxquels ils attribuèrent des
               noms particuliers, de façon à former une première nomenclature chi-
               mique. Leur jargon a joué un rôle important dans la création du halo
               d'ésotérisme qui a enveloppé plus tard les débuts de la chimie.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      257
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