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Leurs combinaisons en différentes proportions suivaient certaines lois,
          et rendaient compte des transformations du monde. La vision combina-
          toire des éléments d’Aristote était différente des combinaisons chimiques
          modernes, toutefois, il parvint à donner une explication logique, bien que
          non  scientifique,  à  des  phénomènes  chimiques  connus  à  son  époque.
          Quant au mécanisme de l’univers, soutenait-il, il n’était qu’apparent. Selon
          lui, tous les événements avaient lieu en vertu d’une cause finale : les pla-
          nètes tournaient autour de la Terre, les arbres fleurissaient, et les corps se
          transformaient, parce que c’était leur cause finale. L’empreinte de la pensée
          d’Aristote marquera longtemps de nombreuses théories chimiques.
             Mais un développement parallèle intéressant avait eu lieu à Alexandrie,
          au 3  siècle avJC, lorsque la chimie appliquée des artisans locaux et la
              ème
          chimie théorique des philosophes grecs s’y complétèrent. L’art de la mani-
          pulation de la matière y prit le nom de khemeia (chimie,) dérivé peut-être
          de l’égyptien khem, qui signifiait noir, et qui évoquait l’Égypte et sa terre ;
          le nom a pu aussi être dérivé du verbe grec qui ancien signifiait verser.
             Les Ptolémée avaient alors fait d’Alexandrie un creuset culturel de la
          Méditerranée, un point de rencontre entre la pensée rationnelle des grecs,
          la pensée mystique du Moyen-Orient, et la technologie des égyptiens. Dans
          cette ville, la culture hellénique avait atteint des formes sophistiquées. La
          promiscuité culturelle et les différentes interprétations des phénomènes y
          avaient créé un esprit ouvert à l’étude de la nature, plus proche qu’à toute
          autre époque ancienne de ce que nous considérons aujourd’hui comme
          une démarche scientifique. Le travail manuel, pratique, expérimental des
          artisans et des ingénieurs (appelés alors mécaniciens) y était valorisé autant
          que le travail intellectuel et théorique des philosophes, et souvent associé.

             En outre, ces qualités pouvaient coexister dans une même personne.
          Dans  ces  conditions,  la  culture  scientifique  de  la  période  hellénique  a
          connu des succès notables. La géométrie d’Euclide sera, pendant les deux
          millénaires  suivants,  une  géométrie  de  référence,  bien  que  n’étant  plus
          unique. L’astronomie d’Hipparque et des Ptolémée dominera elle aussi les
          deux millénaires suivants. Même l’approche de la physique d’Archimède,
          mathématisée et expérimentale, avait déjà quelques ressemblances avec la
          méthode de travail d’un physicien moderne.
             À Alexandrie, pour la première fois, des artisans mécaniciens et chi-
          mistes se trouvaient donc en contact fructueux avec des savoirs de phi-
          losophes ingénieux, savoirs qu’ils étaient encouragés à appliquer à leurs
          procédés, dans un contexte culturel plus stimulant que jamais auparavant.



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