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Ces règles étaient codifiées dans la mémoire de petits ordinateurs com-
pacts qui guidaient les robots. De cette façon rudimentaire, des chercheurs
ont tout de même pu obtenir ce que durant des années des programmes
très sophistiqués d’intelligence artificielle n’avaient pu atteindre ailleurs :
faire en sorte que des robots soient en mesure de se mouvoir d’un point à
l’autre du sol du laboratoire, en évitant les obstacles ou en les dépassant,
sans pré-connaître le terrain, et sans instructions spécifiques.
Ce qui nécessitait beaucoup de travail préparatoire. Car pour des robots
animés par une application d’intelligence artificielle, il fallait alors tout pré-
voir et enseigner du milieu dans lequel ils devaient se mouvoir. Ils devaient
en reconnaître tous les points, les comparer avec leurs instructions, pro-
grammer leurs mouvements. Au début, en pratique, ils étaient lents, et dès
que survenait un imprévu, ils se bloquaient parce qu’ils ne savaient plus
quoi faire. Mais les blattes mécaniques réalisées par Brooks, qui n’avaient
pourtant alors que quelques règles de comportement simples, les essayaient
en séquence pour savoir laquelle fonctionnait. Et il s’en dégageait peu à
peu un véritable comportement, assez semblable à celui d’un insecte réel,
c’est-à-dire la capacité à se mouvoir et à résoudre des problèmes dans le
monde réel, qui est souvent particulièrement compliqué et imprévisible.
À terme, l’objectif des chercheurs était de programmer, selon des
principes évolutifs de vie artificielle, des robots autonomes fiables, pour
des tâches plus difficiles que le simple déplacement sur le sol du labora-
toire, telles que l’exploration spatiale, ou la réparation de machines dans
des fonds marins ou dans des réacteurs nucléaires. Mais avec des doutes,
car certains chercheurs avaient fait remarquer qu’un robot, dont le cer-
veau électronique était programmé selon les principes existants de la vie
artificielle, pourrait facilement violer la première loi de la robotique ima-
ginée par Isaac Asimov "un robot ne causera pas de dommage à un être
humain, ou bien, en n’agissant pas, évitera qu’on lui en cause". Si une
auto-mutation dans son code lui permettait d’ignorer cette règle, le robot
intégrerait tôt ou tard cela dans son activité, avec tous les risques induits.
Sur ce point, l’une des expériences les plus importantes de simulation
d'un mécanisme évolutif a été menée par Thomas Ray, un écologiste
américain dont la formation avait comporté l’étude des forêts tropicales,
l’un des milieux naturels les plus complexes de notre planète. Au début
de 1990, Ray a créé sur ordinateur un écosystème artificiel, qu’il a appelé
Tierra, pour lequel il a simulé dans son programme une forme de barrière
électronique devant éviter que les organismes artificiels qu’il avait créés
ne s’en échappent et ne deviennent nocifs pour d’autres programmes.
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