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Hillis avait observé que certains groupes de caractères ne s’expri-
maient pas, tant qu’ils ne se retrouvaient pas ensemble chez un même
individu. Ses simulations avaient également mis en évidence le rôle des
parasites dans la stimulation de l’évolution des espèces hôtes, expliquant
en partie pourquoi l’évolution ne procédait pas par conquêtes continues
mais par bonds séquentiels en avant, suivis de périodes durant lesquelles
les espèces restaient plus ou moins telles qu’elles étaient, comme l'avait
observé l’évolutionniste Stephen J. Gould.
D’autres chercheurs, qui travaillaient eux aussi à expérimenter des acti-
vités de vie artificielle semblables aux phénomènes évolutifs naturels, se
sont demandé si une force évolutive aussi puissante ne pourrait pas être
extrapolée vers quelque chose d’autre que la biologie. Le mathématicien
américain John H. Holland, qui fut l'un des jeunes pionniers de la program-
mation des ordinateurs (il a été le premier docteur en science informa-
tique), a alors proposé ce que l’on a appelé des algorithmes génétiques.
Un algorithme est une formule où une suite d’opérations logiques con-
tribue à résoudre un calcul. Pour trouver une façon d’améliorer les algo-
rithmes nécessaires à la résolution des problèmes génétiques, Holland tra-
vailla sur un modèle de mécanisme d’évolution par sélection naturelle,
c'est-à-dire un système permettant à une espèce d’apprendre, au cours d’un
certain nombre de générations, à résoudre les problèmes posés par son
milieu. Un algorithme génétique pouvait être créé par une population for-
tuite -même constituée électroniquement- à laquelle était soumis un pro-
blème existentiel qui devait être résolu. Dans l'expérimentation considérée,
on donnait aux individus qui approchaient le plus de la solution la possibi-
lité de se multiplier, tandis que les autres étaient écartés, puis éliminés.
En passant d’une génération à la suivante, Holland avait prévu des mé-
canismes de recombinaison génétique entre les individus sélectionnés, portés
par une sorte de reproduction sexuée, ainsi que des mécanismes générateurs
de variations semblables aux mutations. En répétant le processus de sélec-
tion dans un très grand nombre de générations, la population fortuite initiale
évoluait, et créait une série d’instructions ad-hoc -un algorithme- capable de
résoudre les problèmes posés. Et ceci rapidement, puisque ce qui dans la
nature avait lieu pendant des millions d’années, l’ordinateur pouvait le simu-
ler en l’espace de quelques minutes ou, au maximum, de quelques heures.
De son côté, le biochimiste américain Gerald Joyce avait imaginé un
autre processus évolutif, optimisé pour la vie artificielle, et il l’avait expé-
rimenté sur des macromolécules biologiques d’ADN et d’ARN.
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