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Certaines références de cette conception remontaient jusqu’à Galilée
          (1564-1642), selon qui la nature était un grand livre écrit en caractères
          mathématiques. Mais la plupart des chercheurs qui se sont penchés sur le
          problème n'étaient pas vraiment sûrs que les mathématiques, produits de
          l’esprit humain, soient la vraie grammaire de la nature, sans oublier le fait
          que les automates cellulaires avaient d’abord été des machines régies en
          partie par la physique classique, qui ne décrivait pas aussi bien les micro-
          phénomènes que pourra le faire notamment la mécanique quantique.
             La deuxième interprétation de la vie artificielle, l’interprétation faible,
          n’a pas considéré les organismes artificiels comme véritablement compa-
          rables aux organismes créés par la nature pendant près de quatre milliards
          d’années d’évolution, ou pour le moins, elle a considéré qu’il était encore
          trop tôt pour énoncer des analogies suffisamment probantes.
             Quoi qu’il en soit, des organismes artificiels pouvaient être utiles pour
          vérifier certaines conjectures, et pour proposer des analogies aux spécialistes
          des systèmes vivants quand ils abordaient des problèmes de grande com-
          plexité, comme le développement embryonnaire, la régulation génique, le
          comportement  animal,  ou  le  fonctionnement  des  écosystèmes.  Dans  de
          nombreuses disciplines scientifiques, la nouvelle frontière de la connaissance
          était à la limite de la modélisation des systèmes complexes, ce qui requérait
          logiquement des approches au-delà de celles de la science classique, mais
          pouvant rester confirmables par l’expérimentation, y compris artificielle.
             La vie artificielle ayant déjà bénéficié de quelques théories et modèles
          prometteurs  pour  analyser  les  phénomènes  complexes  qui  régissaient
          notre monde vivant, la recherche continuait à y être tirée par des expé-
          riences pragmatiques. Car si un organisme artificiel qui n’existait que dans
          la mémoire d’un ordinateur était effectivement capable de développer un
          véritable comportement, et d’apprendre à partir de l’expérience, pourquoi
          ne pas l'observer hors de sa prison de silicium en lui donnant corps ? C’est
          devenu le but des chercheurs du Mobile Robot Group de l’Artificial In-
          telligence Laboratory, dirigés par Rodney Brooks. Ils ont  créé une ap-
          proche nouvelle de l’auto-création d’une intelligence artificielle, en la sor-
          tant de l’impasse des précédentes études dans ce domaine.
             Leurs premiers robots, qui portaient des noms tels que Genghis, At-
          tila ou Toto, ressemblaient à de grandes blattes mécaniques d’environ
          cinquante centimètres de longueur. Leur comportement résultait de l’ap-
          plication coordonnée, mais auto-évolutive, d’un nombre limité de règles
          du type « dans la situation A, appliquer le comportement B ».



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