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La seconde prémisse était que ce qui distinguait le vivant du non-vivant
               était sa capacité à utiliser de l’information (en partie codifiée génétiquement,
               pour les vrais êtres vivants) nécessaire pour se construire, chercher les res-
               sources indispensables, évoluer et apprendre. La vie n’était alors pas une
               propriété de la matière, mais de l’organisation de la matière. Et le fait que le
               processus informationnel puisse s'exercer par la chimie du carbone (comme
               c’était le cas sur notre planète depuis plusieurs milliards d’années) ou dans
               la mémoire d’un ordinateur, n’avait pas d’importance dans cette démarche
               conceptuelle. Mais pour valider cela, y avait-il suffisamment d'autres points
               communs entre des organismes créés in-silico, c’est-à-dire dans la mémoire
               d’un ordinateur, et ceux qui existaient in vivo ? Les premiers étaient-ils seu-
               lement des simulations, dont le comportement n’avait qu’une ressemblance
               superficielle avec celui des véritables organismes, ou bien les deux orga-
               nismes partageaient-ils une même réalité potentiellement concrétisable ?
                 Pour mieux comprendre ce problème, on peut remonter à l’origine de
               l’idée de vie artificielle, et à la voie de recherche qui avait été ouverte à la
               fin  des  années 1940 par le mathématicien  John von Neumann  (1903-
               1957), créateur notamment de l’ordinateur numérique. En fait, dans les
               années où John von Neumann commençait ses recherches, on venait juste
               de démontrer que le siège de l’information initiale de la cellule était dans
               l’ADN, mais on ne savait encore rien de la façon dont cette information
               était codifiée et exprimée, ni de la façon dont elle évoluait dans le temps.

                 En matière biologique, on ne savait presque rien sur la façon par la-
               quelle cette série d’instructions appelée génotype donnait vie à des orga-
               nismes complets faits de cellules, d’organes, et de membres, et dotés d’un
               métabolisme. Pour comprendre quelle était l’organisation logique d’un
               être vivant capable de se reproduire, c’est-à-dire en mesure de reproduire
               une autre entité du même niveau de complexité, von Neumann conçut
               donc un modèle simple d’organisme, qualifié d'automate simplifié.
                 Il voulut en déterminer d’abord les processus de base. À ses yeux, alors
               qu’un être vivant était une machine particulièrement compliquée, souple,
               et auto-évolutive, l’automate n’était qu’une machine dont le comportement
               devait être, en termes mathématiques, en mesure d’utiliser de l’information,
               en réagissant aux données reçues du monde extérieur, mais selon les ins-
               tructions limitées avec lesquelles il était programmé. Le premier automate
               imaginé par von Neumann était cependant doté de la capacité de se repro-
               duire. Techniquement, avec les matériels de l’époque, il était constitué d’un
               ordinateur doté d’une mémoire, d’un élément manipulateur apte à exécuter
               des ordres, et d’un dispositif mécanique destiné à assembler des parties.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      247
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