Page 250 - eco-savoirs pour tous
P. 250
Ils inventèrent le Jeu de la Vie, un automate cellulaire qui vécut pendant
quelques centaines de générations. Là, pour chaque nouvelle génération, on
calculait l’état à venir de chaque cellule sur la base de celui des cellules envi-
ronnantes de la génération précédente, toujours sur la base des mêmes règles.
Et ce Jeu de la Vie produisit effectivement des organismes artificiels, avec
des configurations de cellules aux formes différentes, qui se mouvaient sur
le sol du bar pendant quelque temps, puis qui se dissolvaient ou mouraient.
Conway ressentit alors le besoin d'éprouver des organismes virtuels plus
durables. Il proposa cinquante dollars à toute personne qui parviendrait à
en créer un, en publiant une annonce dans la rubrique de jeux mathéma-
tiques du mensuel Scientific American, en octobre 1970. Celui qui remporta
les cinquante dollars fut William Gosper, l’un des meilleurs programmeurs
de l’Artificial Intelligence Laboratory du Massachusetts Institute of Tech-
nology (MIT), aux USA, qui avait l’avantage de pouvoir accéder à l’un des
plus puissants ordinateurs de l’époque, grâce auquel il parvint enfin à faire
fonctionner le Jeu de la Vie pendant un grand nombre de générations.
Dans ce contexte d’émulation ludique, des programmes pour ordina-
teurs personnels, à mi-chemin entre l’instrument de recherche et le jeu vi-
déo, se répandirent parmi les passionnés. Mais une recherche plus stricte de
la structure logique des organismes vivants fut aussi poursuivie par certains
chercheurs mieux équipés, en particulier par Christopher Langton, qui avec
Doyne Farmer devait être l’organisateur de la première Artificial Life Con-
ference, à Los Alamos. Langton fut le premier à approfondir le concept
d’auto-organisation par le bas, c’est-à-dire du potentiel évolutif collectif de
petites actions, qui se combinent avec d’autres petites actions tierces, jusqu’à
ce qu’en émerge un comportement global plus complexe et plus fort. Ce
qui a conforté d’autant mieux les analyses prospectives éco-humanistes.
Car il s’agissait d’un processus analogue à celui qu’on pouvait observer en
biologie, où le comportement de systèmes organisés émergeait de la combi-
naison des comportements de leurs différents organes, impactés à leur tour
par les comportements de leurs différents composants, lesquels -notamment
dans la vie artificielle- pouvaient être orientés par des instructions simples du
type "si la contribution de A atteint le niveau B, il commence à produire C".
Les modèles de vie artificielle élaborés selon ce schéma fonctionnaient prin-
cipalement sur des ensembles organisés sans règles générales intangibles, où
tout comportement d’un niveau plus élevé exprimé par le système pouvait
être potentiellement utile et réorienté. Par analogie, tous les organismes pou-
vaient alors être définis comme des structures qui traitaient de l’information
à la mesure de leur complexité potentiellement croissante.
250 Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI Marc CARL