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Ils inventèrent le Jeu de la Vie, un automate cellulaire qui vécut pendant
          quelques centaines de générations. Là, pour chaque nouvelle génération, on
          calculait l’état à venir de chaque cellule sur la base de celui des cellules envi-
          ronnantes de la génération précédente, toujours sur la base des mêmes règles.
          Et ce Jeu de la Vie produisit effectivement des organismes artificiels, avec
          des configurations de cellules aux formes différentes, qui se mouvaient sur
          le sol du bar pendant quelque temps, puis qui se dissolvaient ou mouraient.
             Conway ressentit alors le besoin d'éprouver des organismes virtuels plus
          durables. Il proposa cinquante dollars à toute personne qui parviendrait à
          en créer un, en publiant une annonce dans la rubrique de jeux mathéma-
          tiques du mensuel Scientific American, en octobre 1970. Celui qui remporta
          les cinquante dollars fut William Gosper, l’un des meilleurs programmeurs
          de l’Artificial Intelligence Laboratory du Massachusetts Institute of Tech-
          nology (MIT), aux USA, qui avait l’avantage de pouvoir accéder à l’un des
          plus puissants ordinateurs de l’époque, grâce auquel il parvint enfin à faire
          fonctionner le Jeu de la Vie pendant un grand nombre de générations.
             Dans ce contexte d’émulation ludique, des programmes pour ordina-
          teurs personnels, à mi-chemin entre l’instrument de recherche et le jeu vi-
          déo, se répandirent parmi les passionnés. Mais une recherche plus stricte de
          la structure logique des organismes vivants fut aussi poursuivie par certains
          chercheurs mieux équipés, en particulier par Christopher Langton, qui avec
          Doyne Farmer devait être l’organisateur de la première Artificial Life Con-
          ference, à Los Alamos. Langton fut le premier à approfondir le concept
          d’auto-organisation par le bas, c’est-à-dire du potentiel évolutif collectif de
          petites actions, qui se combinent avec d’autres petites actions tierces, jusqu’à
          ce qu’en émerge un comportement global plus complexe et plus fort. Ce
          qui a conforté d’autant mieux les analyses prospectives éco-humanistes.
             Car il s’agissait d’un processus analogue à celui qu’on pouvait observer en
          biologie, où le comportement de systèmes organisés émergeait de la combi-
          naison des comportements de leurs différents organes, impactés à leur tour
          par les comportements de leurs différents composants, lesquels -notamment
          dans la vie artificielle- pouvaient être orientés par des instructions simples du
          type "si la contribution de A atteint le niveau B, il commence à produire C".
          Les modèles de vie artificielle élaborés selon ce schéma fonctionnaient prin-
          cipalement sur des ensembles organisés sans règles générales intangibles, où
          tout comportement d’un niveau plus élevé exprimé par le système pouvait
          être potentiellement utile et réorienté. Par analogie, tous les organismes pou-
          vaient alors être définis comme des structures qui traitaient de l’information
          à la mesure de leur complexité potentiellement croissante.


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