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Car selon son concepteur, un tel automate cellulaire devait devenir suf-
fisamment polyvalent et universel, c’est-à-dire à être une machine capable
d’effectuer n’importe quelle tâche, en exploitant son programme d’appli-
cation spécifique. Comme nous le verrons plus loin, ce point a été impor-
tant pour comprendre les implications plus profondes de la vie artificielle,
comme la concevaient les chercheurs impliqués.
Malheureusement, les possibilités offertes par l’automate cellulaire
amélioré qu’imagina von Neumann ne purent pas être assez explorées,
d’une part parce que les possibilités de calcul de l’époque étaient trop
limitées, et d’autre part parce qu’à cette même époque ce mathématicien
reçut de nouvelles responsabilités au sein de l’Atomic Energy Commis-
sion, dans le cadre du programme de réarmement nucléaire américain.
En 1957, von Neumann mourut, et la graine qu’il avait semée ne devait
germer que plusieurs années plus tard, pour valider les processus d’auto-
organisation du vivant, notamment le fait que l’application réitérée d’une
série d’instructions simples par des constituants isolés pouvait donner lieu
à un comportement de plus en plus complexe, y compris en matière bio-
logique, où l’application d’instructions programmantes dans le génotype
des cellules pouvait produire à terme un phénotype amélioré.
Entre temps, les questions en suspens étaient revenues. Dans quelle
mesure l’activité naturelle pouvait-elle être simulée par une manipulation
expérimentale informatisée ? Les organismes artificiels, malgré certaines
ressemblances apparentes, pouvaient-ils modéliser le comportement des
véritables organismes vivants ? L’auto-organisation appliquée à des orga-
nismes artificiels fonctionnerait-t-elle vraiment de la même façon dans les
cellules naturelles ? Et si elle pouvait fonctionner de la même façon, pour-
rions-nous construire des machines fonctionnelles aussi complexes que des
organismes naturels qui avaient évolué pendant des millions d’années ? Ces
questions restaient au centre des discussions sur la vie artificielle.
Heureusement, le projet d’automates cellulaires de von Neumann put
être repris en 1968, à l’université de Cambridge, en Grande-Bretagne, par
un enfant prodige des mathématiques, John H. Conway. Son idée de dé-
part était qu’un automate cellulaire pouvait sans problème être initialement
simple, c’est-à-dire composé de peu de cellules, chacune d’entre elles pou-
vant se trouver dans deux états seulement, plein ou vide. En utilisant
comme échiquier le sol carrelé du bar du département de mathématiques
de l’université, et comme indicateur d’état la présence ou non d’un plat sur
chaque carreau, Conway et quelques compagnons se mirent au travail.
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