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En effet, dans la seconde moitié du 19  siècle, l’impact de la théorie
                                             ème
          darwinienne de l’évolution, sur la morphologie et sur l’anatomie comparée,
          induisit à son tour un bouleversement des structures conceptuelles et des
          critères d’explication. La découverte de la possible origine commune de
          toutes les espèces induisit même une interprétation rupturielle des connais-
          sances. Les techniques de description et de classification étaient restées jus-
          qu'alors inchangées, tant qu’on discutait surtout de l’importance respective
          des caractères selon leurs rapports de subordination, et que le problème
          central de l’anatomie comparée restait la recherche des homologies dans les
          différentes espèces ou groupes taxinomiques. Or, avec la théorie darwi-
          nienne, les ressemblances pouvaient être directement interprétées comme
          témoignant d’une origine commune, voire d’une parenté phylogénétique.

             La contribution à la reconstruction d’arbres phylogénétiques devint par
          conséquent une activité notable de la morphologie dans la seconde moitié
          du siècle. Parmi les chercheurs célèbres qui se sont consacrés à cette acti-
          vité vers la fin du 19  siècle, on peut citer Ernst H. Haeckel (1834-1919)
                           ème
          en Allemagne, et Thomas H. Huxley (1825-1895) en Angleterre.
             Haeckel, auteur d’une œuvre de morphologie fondamentale utilisant
          les principes de la théorie de Darwin, et appuyée sur l’évolution biolo-
          gique constatable, est connu surtout pour sa théorie de la récapitulation,
          selon laquelle le développement de l’embryon (l’ontogenèse) retrace très
          rapidement les étapes évolutives (la phylogenèse) qui ont mené jusqu’à
          l’espèce à laquelle il appartient. Cette théorie joua un rôle historique im-
          portant en soutenant les théories évolutionnistes, car les données em-
          bryologiques étaient à l’époque plus complètes et plus facilement obser-
          vables que les données paléontologiques.

             En ce qui concerne Huxley, autre partisan fervent du darwinisme, on
          lui doit d’intéressantes études d’anatomie comparée sur les Coelentérés,
          et le fait d’avoir découvert que le crâne des vertébrés n’est pas, comme
          le soutenait la morphologie classique, une modification des vertèbres,
          mais une structure autonome. Ce qui allait aussi dans le sens d’une ana-
          tomie comparée d’inspiration darwinienne, mettant en évidence les liens
          étroits entre la structure et la fonction, et la pérennité génétique liée.
             Le zoologue Carl Gagenburg, dans un ouvrage de 1870 sur la morpho-
          logie des vertébrés, qui a constitué le principal manuel de cette discipline
          jusqu’à la fin du siècle, affirmait de manière complémentaire qu’une tâche
          importante de l’anatomie comparée était aussi de trouver dans l’organisa-
          tion du corps animal des indications utiles, jusqu’à l’influence génétique liée.



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