Page 161 - Annales EH 1998-2018
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L'argent devrait circuler pour mieux permettre de satisfaire le besoin, mais le be-
soin ne devrait pas être déplacé pour satisfaire l'argent.
Autrement dit, l'argent devrait être proportionnel à l'existence et à la disponibilité
des produits et des services nécessaires à la consommation des êtres humains, et à
l'amélioration des infrastructures et des équipements avec lesquels ils vivent et pro-
duisent. Sans produits à payer, sans équipements à financer, l'argent seul ne servirait à
rien. L'argent est alors un moyen d'améliorer les échanges et la distribution des pro-
duits et des services, entre les diverses entités de la collectivité humaine, mais seule-
ment pour satisfaire harmonieusement leurs besoins.
C'est pourquoi, pour permettre un équilibre économique optimum, la quantité
d'argent en circulation ne devrait pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la produc-
tion et à la répartition satisfaisante des biens et des services. D'où la nécessité d'une
comptabilité publique et d'une gestion publique conçues et appliquées dans ce sens
pour satisfaire les besoins essentiels des personnes humaines, toutes nécessairement
consommatrices, mais sans abus ni spéculation.
La satisfaction des besoins essentiels par un bon partage des ressources d'utilité
commune est une nécessité sociale indispensable. Et la richesse collective étant un
capital commun à toute l'humanité, à tous les êtres humains, chacun a droit à une
juste part d'usufruit de ce capital commun. Le revenu citoyen universel (proposition
éco-humaniste majeure) constitue une forme de cet usufruit, nécessairement parta-
geable de manière équitable.
A contrario, une organisation économique qui oppose en concurrence les êtres
humains, au lieu de participer à leur meilleure cohésion et de bien satisfaire leurs be-
soins, est antisociale. La raison d'être de l'organisation économique doit être de servir
au mieux l'être humain et sa société, pas de les exploiter. Dans ce but, l'organisation
économique devrait satisfaire des besoins réels et justes, sans créer de besoins artifi-
ciels ni d'accaparement. C'est un problème d'équilibre sociétal général qui doit être
résolu par une action correctrice permanente de la collectivité publique.
Tout système complexe devant être suffisamment équilibré et corrigé pour pou-
voir prospérer et durer, il faut faire en sorte que l'équilibre des rapports économiques
et des échanges soit bien assuré à chaque niveau collectif, de la famille aux plus hauts
niveaux de régulation mondiale, en passant par les niveaux intermédiaires des entre-
prises des régions et des Etats, de manière à répartir de manière juste la ressource
collective pour satisfaire tous les besoins humains indispensables. Et ceci sous con-
trôle de pouvoirs publics légitimes, agissant dans l'intérêt général, et garantissant tou-
jours la priorité de l'intérêt public et collectif sur l'intérêt privé.
ème
Or, cet équilibre prioritaire a été rompu. A l'orée du 21 siècle, les Etats fabri-
quent encore de la monnaie ayant cours légal, pour alimenter une partie de leurs
échanges courants traditionnels, mais les Etats ne créent plus eux-mêmes la plus
grande partie de l'argent qui circule dans l'économie mondiale. Plus de 95% de l'ar-
gent y est de moins en moins physique, de plus en plus dématérialisé, et représenté
par de simples écritures comptables de crédits et de dettes privées, valorisées selon
des règles comptables modifiables selon les besoins de la finance internationale.
Cet argent n'est donc plus créé par des pouvoirs publics légitimes mais par des
agents privés, essentiellement des banques, gestionnaires de fait des crédits et des
dettes de l'économie, ayant accumulé plus de moyens financiers que les pouvoirs pu-
blics. Là, les plus avides profitent au maximum de leurs avantages tant qu'ils le peu-
vent, au détriment éventuel de l'intérêt général.
Et lorsque les besoins propres de l'économie privée s'imposent aux décisions des
pouvoirs publics, mis en dépendance eux aussi du crédit et des financements de
l'économie privée, une logique privée spéculative impose ses besoins à la vie sociale,
qui n'est plus prioritaire. Ce qui est éthiquement et politiquement inacceptable.
Conférence des ONG en statut ONU / Comité du Développement – Genève Rapport introductif RE Marc CARL oct. 2008 page 2