Page 163 - Annales EH 1998-2018
P. 163
Pour sortir de cette spirale ruineuse, il faut alors recapitaliser la banque aussitôt
que possible. Et si la confiance publique ne permet plus d’intéresser l’investissement
privé, c’est l’investissement public, l’Etat, qui s’en charge. Si cela ne suffit pas, en cas
de crise bancaire généralisée, des opérateurs financiers internationaux peuvent se
concerter avec des responsables politiques d'Etats pour modifier les règles de comp-
tabilité et de valorisation financière. C'est le cas notamment lors des krachs boursiers,
et lors des crises économiques. On change quelques règles, et tout repart avec la ga-
rantie de quelques services d’Etat. Mais jusqu’à quand ?
Et où peut résider vraiment la confiance dans un jeu au cours duquel les plus forts
ou les plus habiles peuvent changer arbitrairement les règles à leur gré ? Un jeu au-
quel toute la collectivité humaine est obligée de prendre part, à ses risques, où le pri-
vé prend le profit et le public les pertes.
Et dans ce cas, si l'on peut changer les règles, pourquoi alors ne pas les changer
enfin dans un bon sens, c'est à dire non plus au profit de financiers privés, de
banques, et de spéculateurs, mais au profit de l'intérêt général légitime de l'ensemble
de la collectivité humaine ? On peut le faire d'autant plus justement que la comptabi-
lité de ce système financier étant devenue arbitraire et spéculative, la dette y est en
tout ou partie fictive, et la richesse des uns et des autres y est en tout ou partie artifi-
cielle.
Si l'on change les règles comptables et les garanties, cela peut disparaitre, en tout
ou partie, ou cela peut augmenter, selon l'intérêt qui s'impose. Tout reste possible.
Il faut donc décider si l'on privilégie l'intérêt général, la prédominance sociale, ou
si l'on continue à privilégier l'abus privé, sachant que la fuite en avant dans une dette
croissante est inévitablement sans issue heureuse.
Réfléchissons. Où mène un système financier qui régit une économie basée sur du
crédit bancaire à intérêts impossibles ? On constate que le remboursement de la dette
bancaire y annule économiquement l'argent précédemment créé par le crédit, argent
qui revient à la banque en ne produisant plus dans l'économie, mais aussi en grevant
l'économie réelle du montant des intérêts.
En effet, parce qu'on ne peut pas mobiliser plus d'argent qu'il n'en existe, et étant
donné que les particuliers et les entreprises ne créent pas légalement d'argent, et que
les Etats n'en créent plus assez hors du système bancaire, il est logiquement impos-
sible de rendre aux banques plus d'argent qu'elles n'en ont créé et prêté.
Le montant de l'intérêt n'étant pas créé lors du crédit doit être trouvé ailleurs,
c'est-à-dire dans l'activité économique générale. Alors les débiteurs, particuliers, en-
treprises, et même Etats, ponctionnent ce qu'ils peuvent dans l'activité économique,
et empruntent souvent à nouveau pour rembourser les intérêts encore dûs, dans une
spirale vicieuse d'inflation financière appuyée sur un endettement croissant, et sur la
misère inévitable de plus en plus de personnes et de collectivités.
La masse monétaire officielle étant limitée, ceux qui peuvent rembourser leur
dette, en faisant de bonnes affaires dans l'économie, le font au détriment d'autres qui
s'appauvrissent ailleurs, et au détriment de la dette publique, entrainant une taxation
accrue de l'ensemble de la collectivité. Un tel système économique qui mène structu-
rellement à l'exploitation des uns par les autres, à la misère, au conflit, à l'injustice, et
à la faillite, est fondamentalement antisocial, contraire à l'intérêt public, contraire à
l'intérêt général collectif de la société humaine.
L'intérêt public est particulièrement lésé lorsque pour financer leurs besoins, des
Etats émettent des titres de dettes publiques (obligations, bons, etc) dont les intérêts
sont payables par les contribuables, ces titres étant achetés par des banques avec les
intérêts de prêts payés aussi par les contribuables. Ces titres sont des promesses pu-
bliques de payer une somme indiquée, comme pour les billets de monnaie légale, à
cette différence que les coupures de monnaie ne produisent pas d'intérêt. Les dettes
d'intérêts cumulées par certains Etats atteignent des sommes considérables et doivent
être supportés péniblement par toute la collectivité administrée.
Conférence des ONG en statut ONU / Comité du Développement – Genève Rapport introductif RE Marc CARL oct. 2008 page 4