Page 165 - Annales EH 1998-2018
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Ces  principes  doivent  réaffirmer  que  l'argent  appartient  globalement  à  tous  les
                             êtres humains, et équitablement à chacun d'entre eux, en tant que moyen d’échange.
                                Agissant au nom de la société, les pouvoirs publics en sont les gérants mandatés,
                             qui créent et ajustent techniquement l'argent, et la monnaie qui donne à l'argent pour
                             partie sa liquidité, en arbitrant au niveau supérieur la comptabilisation et la circulation
                             de l'argent créé, dans l'intérêt général de toute la société humaine.
                                Cela  n'implique  pas  que  l'argent  ne  doive  rien  rapporter,  au  contraire.  L'argent
                             bien apporté à l'économie améliore la production des ressources qui enrichissent la
                             collectivité en général, et les producteurs en particulier. Mais cet enrichissement ne
                             doit  pas  consister  en  intérêts  financiers  spéculatifs,  il  doit  consister  en  dividendes
                             équitables d'intéressement social sur la gestion d'une entreprise productive commune.
                                Dans ce sens, l'argent a une utilité, mais ne doit avoir ni rentabilité ni valeur intrin-
                             sèques. Sa rentabilité et sa valeur doivent être extrinsèques, produites et utilisées par
                             des agents non-financiers, dans l'intérêt général prioritaire de la société. Ce qui im-
                             plique que la création et la valorisation de l'argent, et de la monnaie, doivent revenir
                             au  secteur  public  et  rester  sous  contrôle  politique  légitime.  Avec  une  recherche
                             d'équivalence  et  d'équilibre entre  la capacité  de production  et la capacité  de  payer
                             pour consommer.

                                Pour tout projet d'intérêt général, pour toute activité économique utile, pour tout
                             besoin de la société, le financement public devrait donc être automatique et propor-
                             tionnel au besoin, en vue de produire in-fine ce qui est nécessaire à la consommation,
                             sans spéculation sur les produits et les prix.  Et sans inflation non plus, puisque la
                             consommation et la destruction des biens et des services produits annuleraient comp-
                             tablement d'autant la quantité d'argent mise en circulation pour la production. Ce qui
                             est facilement contrôlable  avec de  l'argent  géré par des moyens électroniques mo-
                             dernes.
                                Dans les grands comptes publics, la production serait portée à l'actif, la consom-
                             mation serait portée au passif, et les soldes d'actif et de passif devant rester équiva-
                             lents, la valeur de l'argent serait limitée seulement à ce qui est utile aux équilibres de la
                             comptabilité monétaire. L'argent retiré de la circulation pour être épargné pourrait
                             éventuellement être comptabilisé sous une forme distincte de monnaie, dont l'usage
                             serait réglementé pour ne pas perturber l'équilibre économique courant.
                                La masse monétaire mise en circulation courante et comptabilisée, et la quantité
                             totale d'argent créée, représenteraient seulement la capacité nécessaire pour payer les
                             biens et services à leur valeur d'équilibre. Cette valeur d'équilibre équivaut dans ces
                             conditions au coût de production, augmenté d'une rémunération raisonnable, légiti-
                             mement ajustée et harmonisée au niveau mondial, augmenté d'une charge représen-
                             tant  la  contribution  nécessaire  aux  services  publics  d'intérêt  général,  et  d'une  taxe
                             d'ajustement conjoncturel contrariant d'éventuelles tendances spéculatives ou infla-
                             tionnistes, et compensant aussi la moindre solvabilité de certaines personnes, entre-
                             prises, et collectivités, à certaines époques. Enfin, la dévaluation ou la réévaluation de
                             la monnaie permettrait in-fine d'ajuster en permanence la masse monétaire en équi-
                             libre entre production et consommation, sur décision des autorités politiques respon-
                             sables, en concertation au niveau mondial.
                                Dans la mesure où ces principes sont respectés, il n'est pas nécessaire, ni utile, de
                             supprimer les banques. Les banques peuvent continuer à gérer des comptes de clients
                             et à fournir des services financiers, mais elles ne devraient plus créer librement d'ar-
                             gent et le prêter à intérêt. Elles pourraient par délégation gérer des crédits utiles à
                             l'économie, en y affectant une partie de l'argent public, et être rémunérées ou récom-
                             pensées pour cela. Mais leur action devrait être subordonnée à la nécessité sociale qui
                             fait que l'argent est fait pour servir la société humaine, pas pour l'exploiter.

                                Tout  le  monde  pourrait  ainsi  devenir  capitaliste,  dans  un  capitalisme  social  où
                             chacun toucherait un juste dividende de l'exploitation du patrimoine commun, faite
                             par l'entreprise mutualisée, coopérative, de toute la collectivité.

                  Conférence des ONG en statut ONU /  Comité du Développement – Genève    Rapport introductif  RE    Marc CARL    oct. 2008        page 6
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