Page 166 - Annales EH 1998-2018
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En contrepartie de la valeur inscrite à l'actif de la richesse publique, chaque por-
teur de part de la collectivité humaine aurait un compte de créditeur social, compte
de passif, au prorata de sa quote-part personnelle. Et il pourrait avoir le droit de
rendre liquide et utilisable une partie de cette créance sur la ressource commune, de
manière à vivre et à consommer de manière équitable et décente parmi les autres
êtres humains.
C'est ce qui fonde notamment l'idée de revenu citoyen universel, cher aux éco-
humanistes. En application de ces principes, des dettes bancaires à intérêts impos-
sibles pourraient être annulées, et ce qui en a été payé, au titre d'intérêts financiers de
dettes, simples ou composés, ou capitalisés, pourrait dans certains cas être restitué ou
dédommagé. Cela implique notamment l'effacement de la dette des personnes et des
collectivités qui sont incapables de la payer sans pénaliser injustement leurs forces
sociales et économiques. Et qui pour la plupart ont déjà payé excessivement les inté-
rêts abusifs de dettes légitimement annulables.
D'autre part, la pression fiscale sur les personnes pourrait être levée. Dans la me-
sure où l'Etat, et plus généralement l'autorité publique gestionnaire, auto-génère les
ressources nécessaires au financement de son action, en créant l'argent nécessaire,
ajusté à la couverture des besoins d'utilité publique et d'intérêt général, l'Etat n'a plus
besoin de taxer les revenus et les biens particuliers. Une taxation raisonnable indi-
recte pourrait porter seulement sur la consommation de certains biens et services,
servant davantage de volant d'ajustement économique et social que de ressource né-
cessaire.
Tant qu'une telle réforme n'est pas faite, un risque de krach, de faillite généralisée,
reste latent. Car si trop de personnes et d'entreprises ne peuvent plus ou ne veulent
plus emprunter dans un système basé sur un endettement à remboursement impos-
sible, ce système risque de se désagréger, et avec lui l'économie mondiale.
Dans ces conditions, la dépréciation des créances bancaires peut entrainer une dé-
préciation des actifs économiques et financiers liés, à commencer par ceux qui garan-
tissent les crédits bancaires et qui doivent être liquidés brutalement, faisant chuter les
prix et les valeurs comptables. Ce qui réduit et dévalorise ensuite l'économie générale,
et le crédit qui la tire, du fait que les banques prêtent d'autant moins que leurs fonds
propres diminuent et que les emprunteurs sont incapables de rembourser.
Là, dans un premier temps, des Etats peuvent se porter garants, mobiliser une
partie de leurs réserves financières, s'endetter encore davantage pour relancer l'éco-
nomie et le crédit, et apurer comptablement -mais artificiellement- les bilans des
banques. Cependant, un tel effort doit être supporté tôt ou tard par des privations et
des taxations supplémentaires de toute la société, ce qui ne fait que décaler le pro-
blème.
Y compris politiquement : il faudra bien pouvoir justifier tôt ou tard pourquoi le
privé absorbe les profits et le public les pertes, pourquoi certains seulement suppor-
tent des privations. Et justifier pourquoi à l'occasion d'une crise financière, des Etats
qui parviennent à trouver, en quelques jours ou en quelques semaines, mille ou deux
mille milliards d'euros ou de dollars pour renflouer de riches banques privées, ne
parviennent pas aussi à trouver un ou deux milliards seulement pour soulager la pau-
vreté, la misère, et la précarité, chez eux, et dans le reste du monde.
Une solution raisonnable est de changer une bonne fois un tel système de finan-
cement économique mondial, si possible selon les principes évoqués ici, à plus forte
raison à l'occasion d'une crise qui rend ce changement encore plus urgent.
A nous donc d'agir opportunément en conséquence. Nous, c'est tous les êtres
humains de bonne volonté, acteurs économiques et sociaux, à commencer par les re-
présentants de la société civile internationale, qui peuvent se réunir et se mobiliser
ensemble pour entrainer ensuite une mobilisation plus générale de toute la société
mondiale concernée, en contribuant à bien structurer cette mobilisation générale.
Conférence des ONG en statut ONU / Comité du Développement – Genève Rapport introductif RE Marc CARL oct. 2008 page 7