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Et à ces instabilités initiales s’en ajoutaient d’autres, qui déformaient
               à leur tour, encore plus, l’état de base. La masse fluide impliquée prenait
               ainsi rapidement l’aspect d’un fluide complètement turbulent.

                 À la fin des années 1940, les efforts conjoints de Jules Charney (1917-
               1981) et de J. Eady menèrent enfin à la formalisation d’une théorie de
               l’instabilité plus précise, à travers une théorie mathématisée connue sous
               le nom de théorie de l’instabilité barocline. On savait par exemple que des
               tourbillons tendaient à se créer le long de la côte Est des États-Unis, pour
               traverser l’Atlantique dans une phase de croissance rapide, et arriver en-
               suite en Europe. Mais toutes les perturbations ne suivaient pas ce schéma.
                 Certaines naissaient avant ou après, certaines n’arrivaient pas en Europe,
               d’autres y parvenaient sous une forme plus violente. Cette grande variabilité
               de  comportements  avait  alimenté  l’incompréhension  transatlantique  du
               19  siècle, parce que les chercheurs américains et européens observaient
                 ème
               en fait le même phénomène mais dans des phases différentes de croissance.
               Lorsqu’il venait de naître, en Amérique, le phénomène était plus tourbillon-
               nant et son aspect rotatoire était plus évident. À l’arrivée, en Europe, il était
               en phase d’affaiblissement, et par conséquent plus diffus et linéaire.
                 Il a fallu attendre les années 1950 pour résoudre la deuxième partie de
               cette énigme, quand il a été assez clair que l’atmosphère subissait un chan-
               gement substantiel associé à l’action des énergies (thermique et mécanique)
               appliquées dans sa partie inférieure. La force mécanique principale était
               ensuite influencée par l’effet des montagnes terrestres, qui déformaient la
               circulation de façon plutôt constante dans le temps. Le résultat était que la
               circulation générale s'établissait selon deux grands arcs, notamment en aval
               de la chaîne des montagnes Rocheuses, et en aval du plateau himalayen.

                 La force thermique dépendait alors du contraste (gradient) thermique
               entre les continents et les océans, sachant que les continents tendaient à
               réagir plus rapidement aux changements de saison. En hiver ils devenaient
               rapidement très froids, tandis qu’en été ils devenaient très chauds. L’océan
               réagissait plus lentement, et cela créait une situation différentielle décalée.
                 En hiver, un continent plus froid s’opposait ainsi à un océan encore
               relativement chaud, tandis qu’en été prévalait la situation inverse. Dans
               un travail célèbre des années 1950, Joe Smagorinsky analysa ces deux
               facteurs, pour conclure qu’ils avaient une importance égale, et qu’ils con-
               tribuaient au maintien de la circulation atmosphérique, dans un équilibre
               dynamique qu'il fallait seulement mieux modéliser.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      69
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