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L’axiomatisation des probabilités, due à Andreï Nikoïlaevitch Kolmo-
          gorov (1903-1987), n’a pourtant pas convaincu tous les mathématiciens.
          Certains ont considéré que cette présentation formelle vidait de son sens
          intuitif l’idée de probabilité, et ils y ont opposé d’autres approches, comme
          l’approche subjectiviste, défendue en particulier par le mathématicien ita-
          lien Bruno De Finetti (1906-1985).
             Le  concept  axiomatique,  particulièrement  expérimenté  aussi  en
          Union soviétique, a pourtant impulsé un élan notable à la pensée mathé-
          matique  du 20 ème   siècle,  stimulant même  l’introduction  des  méthodes
          probabilistes et stochastiques dans d’autres secteurs des mathématiques.
             Mais finalement, cette axiomatisation des mathématiques, qui condui-
          sait à une nouvelle abstraction croissante, fut considérée avec méfiance par
          un certain nombre de mathématiciens, en raison du risque de centrage de
          la recherche sur des questions purement formelles, et de freinage de la ré-
          flexion sur les véritables problèmes qui avaient guidé la recherche mathé-
          matique depuis l’antiquité. Une conséquence inquiétante de l’axiomatisa-
          tion des mathématiques était en outre la transformation du rapport entre
          les mathématiques et les autres savoirs. Dès leur origine, les mathématiques
          avaient joué un rôle important dans la relation de l’Homme à la nature, tant
          au point de vue théorique qu’au point de vue pratique.
             Progressivement, puis plus rapidement lors  de la  révolution scienti-
          fique,  s’était  instauré  un  rapport  fécond,  induisant  des  influences  réci-
          proques, entre les mathématiques et d’autres sciences. L’exemple le plus
          significatif a été celui de la mathématique newtonienne, mais en général
          tous les secteurs de la physique avaient établi un lien avec les mathéma-
          tiques, et la physique expérimentale s’était développée en relation avec la
          physique-mathématique. Au fil du temps, des chercheurs avaient introduit
          une méthodologie mathématique pour conférer à leur spécialité une plus
          grande valeur scientifique. Ce qui a impliqué, au 19  siècle, la chimie et
                                                     ème
          l’économie, et entre la fin du 19 ème  siècle et le début du 20  siècle, jusqu’à
                                                          ème
          certains secteurs de la biologie, de la psychologie, et des sciences sociales.
             Il en résultait parfois des tensions, car plusieurs tentatives pour mathé-
          matiser davantage la physique s’étaient inspirées par exemple d’analogies
          avec l’analyse mécanique, considérée comme un modèle d’analyse scienti-
          fique, alors que ces tentatives utilisaient aussi les méthodes de l’analyse ma-
          thématique classique (le calcul différentiel et intégral, et la théorie des équa-
          tions différentielles). Or, de son côté, depuis le début du 20 ème  siècle, la
          physique subissait elle aussi par ailleurs de notables tensions.



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