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Toutefois,  tous les mathématiciens  ne participaient pas volontiers à
               cela. Et dans les années 1930, une partie d’entre eux s’était temporairement
               désintéressée des questions épineuses et dialectiques concernant les fonde-
               ments des mathématiques, questions qui étaient restées d'autant plus can-
               tonnées, puis associées, aux recherches de logique mathématique, dévelop-
               pées durant tout le siècle comme une branche d’études indépendante.
                 Mais une nouvelle impulsion contribua à faire encore reporter tempo-
               rairement le débat. Porté par la nouvelle tendance axiomatique, un groupe
               de  jeunes  mathématiciens  français  décida  en  1935  d’entreprendre  une
               œuvre  ambitieuse  de  cohérence  systématique,  en  publiant  un  imposant
               traité, les Éléments de mathématique, dont l’objectif était de recueillir et de
               classer le plus possible de théories axiomatisées.
                 Comme il s’agissait d’un travail dépassant les moyens d’une seule per-
               sonne, ils décidèrent de travailler collectivement, et ils choisirent comme
               pseudonyme le nom d’un général napoléonien, Nicolas Bourbaki. Leur con-
               tribution eut une forte influence durant la deuxième moitié du 20  siècle
                                                                     ème
               sur la recherche, et surtout sur l’enseignement des mathématiques, au ni-
               veau international. Mais après une période d’expérimentation, et de vives
               discussions, leurs propositions réformatrices finirent par être contestées.
                 Car les structures fondamentales auxquelles leur synthèse axiomatique
               s’intéressait étaient des structures algébriques définies entre la fin du 19  et
                                                                        ème
               le début du 20  siècles, ainsi que des structures appelées topologiques, qui
                          ème
               étaient des généralisations, à des ensembles de n’importe quel type, des idées
               de limite, de point, et de continuité. Dans cette nouvelle démarche, les objets
               de la géométrie s'effaçaient devant les méthodes géométriques.
                 Et là, l’algèbre moderne, ou algèbre abstraite, qui n’avait plus grand-
               chose à voir avec l’ancienne théorie des équations dont elle procédait, y était
               utilisée dans une nouvelle topologie. Cette algèbre et cette topologie ont été
               insérées dans l’analyse, qui s’est transformée elle aussi en une nouvelle dis-
               cipline, appelée analyse fonctionnelle parce qu’elle n’avait plus pour objet
               les nombres réels et les fonctions, mais les ensembles de fonctions sur les-
               quels agissaient des opérateurs, c’est-à-dire des fonctions de fonctions.
                 De ce croisement de disciplines, impulsé par l’axiomatique, naquirent
               cependant aussi de nouvelles méthodes opportunément applicables à dif-
               férentes parties des mathématiques. Par exemple, l’extension aux nouveaux
               ensembles abstraits d’un besoin de mesure ad-hoc avait donné lieu à la
               théorie de la mesure abstraite, qui à son tour avait permis d’axiomatiser
               une branche des mathématiques, la théorie des probabilités.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      353
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