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Corbino, dans un discours célèbre et prophétique tenu en 1929, avait
indiqué que la recherche sur le noyau était le principal terrain vers lequel
les efforts devaient être orientés, puisque le problème de la structure ato-
mique était considéré comme déjà réglé par la mécanique quantique.
En 1932, James Chadwick (1891-1974) a pu définir expérimentale-
ment la structure du noyau atomique, en y établissant l’existence de par-
ticules neutres de masse à peu près égale à celle des protons, les neutrons.
Dès lors, Fermi et ses collaborateurs Emilio Segrè (1905-1989), Franco
Rasetti (1901-2001), et Edoardo Amaldi (1908-1989), aidés par le théori-
cien Ettore Majorana (1906-1938), commencèrent à travailler sur la ra-
dioactivité en visant une nouvelle exploration expérimentale des proprié-
tés nucléaires. Leur découverte majeure eut lieu en 1934, quand ils par-
vinrent à rendre radioactives plusieurs substances, en les bombardant au
moyen de neutrons de basse énergie. Le noyau atomique pouvait dès lors
être rendu instable, exploré, et modifié par la technologie humaine.
Ce dernier aspect semblait réaliser le rêve des anciens alchimistes, au
point que plusieurs physiciens se tournèrent alors vers la production d’élé-
ments chimiques artificiels. Mais l’aspect observé le plus impliquant était
l’instabilité. En effet, en 1938, Otto Hahn (1879-1968) et Fritz Strassmann
(1902-1980) observèrent qu’un noyau d’uranium bombardé par des neu-
trons se scindait en deux noyaux d’éléments plus légers, dans un processus
de fission nucléaire. Et ce processus comportait la libération d’une énorme
quantité d’énergie. L’importance, y compris militaire, de la découverte fut
remarquée presque immédiatement, en particulier par Einstein.
C’est ainsi que, quand les États-Unis entrèrent en guerre contre l’Axe, fut
lancé un projet ambitieux (baptisé Manhattan) qui devait mener à la décou-
verte de divers modes d’emploi de l’énergie nucléaire. Fermi lui-même, ayant
entre-temps émigré en Amérique pour des motifs politiques, réalisa en 1942
la première pile atomique. Quand Arthur Compton, leader des physiciens
américains, informa de ce succès le président Roosevelt, il utilisa la phrase
codée "Le navigateur italien a débarqué dans le Nouveau-Monde".
Avec la mécanique quantique, la physique classique semblait définiti-
vement dépassée, mais un nouveau problème apparaissait : la complexité des
systèmes révélés rendait d'autant plus aléatoires leur compréhension et leur
analyse en l’état des connaissances. Ce qui freinait le progrès et l’acceptation
de la nouvelle physique, même si ce progrès était entretenu par les dé-
couvertes de sous-particules fondamentales, et par conséquent par la ca-
pacité de révéler des secrets de plus en plus ultimes de la matière.
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