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Cette découverte continue de nouvelles formes de radiation, et les valo-
risations personnelles qu’elles comportaient, déclenchèrent une course à la
publication, annonçant par divers expérimentateurs (de bonne ou de mau-
vaise foi) l’identification de nouvelles formes de radiation. C’est ainsi que fut
annoncée la découverte des rayons N, de la lumière noire, et ainsi de suite.
Effectivement, beaucoup de physiciens expérimentaux du début du
20 ème siècle avaient cherché à atteindre la célébrité en identifiant telle ou
telle nouvelle forme de radiation. À tel point que des expérimentateurs
perspicaces durent parfois contrôler eux-mêmes les données annoncées
de façon retentissante par leurs collègues, et en dévoiler les éventuelles
erreurs, ou pire encore, les trucages. Mais les controverses n’étaient pas
épuisées pour autant, car même si on avait accepté l’idée -très ancienne-
que la matière ne pouvait se diviser à l’infini, et qu’il existait des petits
morceaux de matière qu’on ne pouvait plus scinder, les objections aux
théories atomistes restaient essentiellement de trois types :
- une objection épistémologique : la physique devait s’occuper de phéno-
mènes observables et non pas d’entités inobservables et/ou spéculatives ;
- une objection théorique : l’idée d’une matière continue, c’est-à-dire
divisible à l’infini, paraissait à certains plus pratique que l’idée d’une ma-
tière discrète, c’est-à-dire composée de particules de dimensions petites
mais finies. À cet égard, l’idée de continuité était pertinente dans l’utili-
sation et dans l’application à la physique du calcul différentiel, lequel en
revanche était d’un usage plus délicat dans le cas des processus disconti-
nus (ce n’est pas par hasard que les principaux adversaires de l’atomisme
appartenaient au milieu de la physique mathématique). Et l’éther, pour
que la radiation lumineuse puisse s’y propager sans se disperser, devait
alors être une matière continue ;
- enfin, une objection méthodologique, qui réunissait les deux précé-
dentes : au fond, ces théories physiques étaient principalement des sys-
tèmes d’équations mathématiques qui décrivaient et qui coordonnaient
des ensembles de phénomènes, en les ramenant à quelques principes fon-
damentaux, mais arbitraires. Les modèles microscopiques qui pouvaient
être utiles pour alimenter ces équations devaient pouvoir être outrepas-
sés. Car l’idée que ces modèles représentaient quelque chose de réel qui
se cachait sous les phénomènes observables était une idée presque méta-
physique, d’autant plus que cette réalité était représentée sous la forme
d’une structure mécanique, et qu’on ne comprenait pas pourquoi la véri-
table nature du monde devait être nécessairement mécanique.
406 Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI Marc CARL