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Le domaine d’étude de l’écologie s’étend donc jusqu’aux niveaux com-
          plexes et imbriqués du vivant global (écosystèmes et biosphère), où elle fait
          même intervenir certains concepts physiques et mathématiques d’analyse des
          systèmes et de traitement quantitatif de l’information, information nécessaire
          aux bio-systèmes, et révélant leurs caractères évolutifs distinctifs.

             C’est ainsi que l’écologie moderne, reliée à la fois aux sciences humaines
          et aux sciences naturelles, fait interagir plusieurs disciplines complémen-
          taires dans des rapports déductifs et intuitifs fructueux. Dès les origines de
          cette science, plusieurs chercheurs en ont souligné l’importance interdisci-
          plinaire. Barrington Moore, le premier président de l’American Ecological
          Society, lors d’une réunion en 1919, déclarait que l’écologie était une science
          de la synthèse, essentielle pour comprendre le monde dans sa globalité.
             Aristote a été considéré comme un précurseur notable de la vision
          écologique, dans la mesure où même si ses descriptions ont un caractère
          typiquement naturaliste, surtout les descriptions de type zoologique, elles
          posent des questions de fond et suggèrent des réflexions sociétales con-
          nexes, et par là, déjà éco-humanistes. Quelques auteurs anciens ont suivi
          cette voie, en analysant des formes particulières de vie, comme Théo-
          phraste (env. 371-288 av. J-C) ou Pline l’Ancien (23-79), dont la célèbre
          Naturalis historia, pendant quinze siècles, constituera le patrimoine com-
          mun de nombreux savants et artistes.
             L'influence motrice de ces précurseurs sur l’évolution sociétale a toute-
          fois diminué pendant certaines périodes. Car après eux, les progrès de la con-
          naissance libre ont été temporairement freinés par l’emprise des religions
          monothéistes abrahamiques (judaïsme, christianisme, puis islam), qui attri-
          buaient une grande importance au rôle dogmatiquement central de l’espèce
          humaine sur Terre, en séparant l’Homme de la Nature, avec une forte pri-
          mauté du premier par rapport à la seconde. Le caractère animiste de la com-
          plémentarité Homme/nature,  longtemps présent dans les cultures popu-
          laires antiques, et encore résiduel aujourd’hui dans quelques cultures survi-
          vantes, est donc resté pendant plus de 2.000 ans une référence minorée dans
          la pensée des sociétés empreintes de religiosité abrahamique.

             Là, pendant plusieurs siècles, la science s’est prudemment cantonnée
          dans un rôle de contribution à la faculté de raisonner, mais sans contrarier
          les dogmes pieux temporairement imposés. Devant tempérer ses analyses
          non conformes à la doxa, la science a continué à explorer la nature comme
          s’il s’agissait d’une grande horloge mécaniste, qu’il fallait désassembler avec
          circonspection pour en comprendre les lois et les engrenages.


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