Page 98 - synthese introductive eco-humanisme
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Marc CARL                         un grand projet humain / synthèse introductive



             Charles de Secondat (Montesquieu) écrivait en 1749 dans son Esprit
          des lois : "Dire qu'il n'y a rien de juste ni d'injuste que ce qu'ordonnent ou
          défendent les lois positives, c'est dire qu'avant qu'on ait tracé le cercle tous
          les rayons n'étaient pas égaux". Et  Victor  Cousin  ajoutait en 1836 :  "Le
          droit positif repose sur le droit naturel, qui lui sert tout ensemble de fon-
          dement, de mesure et de limite. La loi suprême de toute loi positive est
          qu'elle ne soit pas contraire à la loi naturelle".
             Or, l'expérience enseigne que certaines lois positives peuvent contra-
          rier ou  corrompre  la  légitimité,  alors que leur  consistance  formalisée  et
          leurs principes ne sont ni assez universels ni assez justes pour cela ; ce ne
          sont que des conventions culturelles perfectibles et temporaires. Il n’existe
          évidemment pas de conscience humaine naturelle, instinctive, immanente,
          ou cosmique, permettant d’agir d’emblée de manière juste en tous temps.
             C’est pourquoi la conscience éthique et l’idée de justice doivent résul-
          ter d’une bonne éducation de l’esprit humain, donc de sa culture acquise,
          cette  culture  étant  un  patrimoine  sociétal  continuellement  amélioré,  et
          transmis de génération en génération, pour améliorer la qualité de vie de
          l’Humanité,  y  compris  avec  un  droit  aussi  efficacement  correctible  et
          protecteur que possible.
             Il faut donc bien veiller à la correction permanente de ce patrimoine.
          Notamment, le droit ne doit pas favoriser un accaparement inique, ou une
          prédation,  hors  de  toute  responsabilité  sociale  et  sociétale,  ce  que  peut
          malheureusement permettre le droit positif lorsqu’il est corrompu, et pire
          encore si la légitimité publique est abusée elle aussi par des corrupteurs.

             Pour pouvoir corriger cela, le droit naturel ne doit évidemment pas être
          cantonné dans un champ philosophique et dialectique annexe. Parce qu’il
          procède d’une conception la plus universelle et la plus juste possible, et pour
          autant que ses valeurs et ses règles soient optimisées et bien posées, il rend
          cohérent l’ensemble du droit, incluant le droit positif. Le droit naturel peut
          alors  prescrire  et  organiser  dans  l’intérêt  général  avec  autant  de  capacité
          contraignante et de réactivité protectrice que nécessaire, en restant l’un des
          garants majeurs du bon fonctionnement socialisé.

             Par conséquent, si une autorité publique agit contre l’intérêt général
          humain et contre l’intérêt de sa collectivité administrée, les textes de droit
          positif qui fondent son action, et les décideurs publics qui la commandent,
          sont disqualifiés, et on peut outrepasser leurs injonctions conformément à
          la véritable légitimité, et au droit naturel qu’elle invoque et applique.


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